Guy de Maupassant

GUY DE MAUPASSANT

"Encuentro-Rencontre"

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ENCUENTRO
RENCONTRE
Los encuentros constituyen el encanto de los viajes. ¿Quién no siente alegría de un encuentro inesperado, en mil lugares del país, con un parisino, un compañero de colegio, un vecino del campo? ¿Quién no ha pasado la noche con los ojos abiertos, en la incomoda diligencia que discurre por unas comarcas donde el vapor es todavía ignorado, al lado de una muchacha desconocida, entrevista solamente a la débil luz de la lámpara, desde que ella sube al coche ante la puerta de una blanca casa de un pueblo?. Y a la mañana siguiente, cuando el espíritu y los oídos están entumecidos del continuo tintineo de los cascabeles y de la estruendosa vibración de los cristales, que encantadora sensación al ver la bella vecina al lado desgreñada, abriendo los ojos y examinar a su vecino; poder ofrecerle mil servicios y escuchar su historia que ella siempre narra cuando se encuentra bien. Y como uno se extasía también sin ningún sentido, al verla descender ante la barrera de una casa de campo. Parece captarse en sus ojos, cuando esta amiga de dos horas, os dice adiós para siempre, un atisbo de emoción, de nostalgia, ¿quién sabe?... Y aquél buen recuerdo se conserva hasta la vejez en esos frágiles recuerdos de los viajes. Les rencontres font le charme des voyages. Qui ne connaît cette joie de retrouver soudain, à mille lieues du pays, un Parisien, un camarade de collège, un voisin de campagne ? Qui n'a passé la nuit, les yeux ouverts, dans la petite diligence drelindante des contrées où la vapeur est encore ignorée, à côté d'une jeune femme inconnue, entrevue seulement à la lueur de la lanterne, alors qu'elle montait dans le coupé devant la porte d'une blanche maison de petite ville ? Et, le matin venu, quand on a l'esprit et les oreilles tout engourdis du continu tintement des grelots et du fracas éclatant des vitres, quelle charmante sensation de voir la jolie voisine ébouriffée ouvrir les yeux, examiner son voisin ; et de lui rendre mille légers services, et d'écouter son histoire, qu'elle conte toujours quand on s'y prend bien ! Et comme il est exquis aussi, le dépit qu'on a de la voir descendre devant la barrière d'une maison de campagne ! On croit saisir dans ses yeux, quand cette amie de deux heures vous dit adieu pour toujours, un commencement d'émotion, de regret, qui sait ?... Et quel bon souvenir on garde, jusque dans la vieillesse, de ces frêles souvenirs de route !
Al sur, al sur, todo el extremo de Francia, es un país desierto, pero desierto como las soledades americanas, ignorado por los viajeros, inexplorado, separado del mundo por unas cadenas montañosas en las que están asiladas unas aldeas a los márgenes de un gran río, El Argens, al que ningún puente atraviesa.   Là-bas, là-bas, tout au bout de la France, il est un pays désert, mais désert comme les solitudes américaines, ignoré des voyageurs, inexploré, séparé du monde par toutes une chaîne de montagnes, qui sont elles-mêmes isolées des villes voisines par un grand fleuve, l'Argens, sur lequel aucun pont n'est jeté.  
Apenas algunos pueblos sembrados aquí y allá en toda está región que la vía del ferrocarril evita dando un enorme rodeo. Dos caminos tan solo penetran y se aventuran por estos valles frondosos, por unos grandes bosques de pinos donde abundan, dicen, los jabalís. Se hace imprescindible franquear unos torrentes vadeándolos y se puede caminar durante dos jornadas enteras por las hondonadas y las cimas, sin percibir una cabaña, un hombre o un animal, pero puede uno enloquecer con los macizos exuberantes de flores silvestres como en los jardines.     A peine quelques villages semés de place en place dans toute cette région que la voie de fer évite par un énorme circuit. Deux routes seulement y pénètrent, s'aventurent par ces vallées sans un toit, par ces grandes forêts de pins où pullulent, dit-on, les sangliers. Il faut franchir ces torrents à gué, et on peut marcher des jours entiers dans les ravins et sur les cimes sans apercevoir une masure, un homme ou une bête ; mais on y foule des fleurs sauvages superbes comme celles des jardins.  
Fue en este entorno donde encontré a la más singular y al mismo tiempo siniestra viajera, que he conocido.    Et c'est là que je rencontrai la plus singulière et la plus sinistre voyageuse qu'il m'ait été donné de voir.  
Yo ya la había observado sobre el puente de un pequeño navío que iba de Saint Raphael a Saint Tropez.     Je l'avais aperçue d'abord sur le pont du petit bâtiment qui va de Saint-Raphaël à Saint-Tropez.  
Era vieja, de setenta años por lo menos, grande, seca, angulosa, con unos cabellos blancos en tirabuzón sobre sus hombros, siguiendo los cánones de una moda antigua; vestida como una inglesa errante, torpe y extraña. Se encontraba en la proa del vapor con la mirada fija en la costa arbolada y sinuosa que discurría a nuestra derecha.   Vieille de soixante-dix ans au moins, grande, sèche, anguleuse, avec des cheveux blancs en tire-bouchon sur ses tempes, suivant la mode antique ; vêtue comme une Anglaise errante, d'une façon maladroite et drôle ; elle se tenait debout à l'avant du vapeur, l'oeil fixé sur la côte boisée et sinueuse qui se déroulait à notre droite.  
El barco cabeceaba; las olas batían contra su flanco y lanzaban un chorro de espuma sobre el puente; pero la anciana no se preocupaba en absoluto de las bruscas oscilaciones del navío ni de las salpicaduras de agua salada en su cara. Permanecía impasible, ocupada solamente del paisaje.     Le bâtiment tanguait ; les vagues, brisées contre son flanc, jetaient des panaches d'écume sur le pont ; mais la vieille femme ne se préoccupait pas plus des brusques oscillations du navire que des fusées d'eau salée qui lui sautaient au visage. Elle demeurait immobile, occupée seulement du paysage.  
Cuando el barco llego a puerto, la mujer descendió teniendo por todo equipaje una simple maleta que llevaba ella misma.     Dès que le bateau fut au port, elle descendit, ayant pour tout bagage une simple valise qu'elle portait elle-même.  
Tras una mala noche en un albergue del lugar, llamado pomposamente "Gran Hotel Continental", un ruido de trompetas me hizo descorrer las cortinas de mi ventana y vi pasar, al trote de cinco rocines, la diligencia de Hyères, que llevaba sobre el imperial, a la flaca y severa viajera del paquebote.     Après une mauvaise nuit dans l'auberge du lieu, intitulée pompeusement "Grand Hôtel Continental", un bruit de trompette me fit courir à ma fenêtre, et je vis détaler au trot de cinq rosses la diligence de Hyères, qui portait sur son impériale la maigre et sévère voyageuse du paquebot.  
Una hora más tarde yo seguía a pie los bordes del magnífico golfo para ir a visitar Grimaud.     Une heure plus tard, je suivais à pied les bords du golfe magnifique pour aller visiter Grimaud.  
El camino bordea el mar y al otro lado del agua se percibía una línea ondulada de altas montañas vestidas de bosques de coníferas.  Los árboles descendían justo al nivel del mar, semejando una larga playa de arena de un verde pálido.   La route longe la mer, et de l'autre côté de l'eau on aperçoit une ligne onduleuse de hautes montagnes vêtues de forêts de sapins. Les arbres descendent jusqu'au flot, qui mouille une longue plage de sable pâle.  
Más tarde entraba en los prados, atravesaba unos torrentes y vi serpentear alguna culebra. Subí a un montículo con la mirada fija sobre las escarpadas ruinas de un antiguo castillo que se levantaba en esa cima, dominando las casas que se acurrucaban bajo su pie.    Puis j'entrais dans les prairies, je traversai des torrents, je vis fuir de grandes couleuvres, et je gravis un petit mont, l'oeil fixé sur les ruines escarpées d'un ancien château qui se dresse sur cette hauteur, dominant les maisons blotties à son pied.  
Este es el viejo país de los Maures. Aquí se encuentran sus antiguas residencias, sus soportales, su arquitectura oriental. Aquí quedan todavía unas construcciones góticas e italianas a lo largo de las rápidas calles, como senderos de montaña, empedradas con unos guijarros afilados. Aquí están cerca los campos de áloes en flor. Las monstruosas plantas dirigen hacia el cielo su ramo colosal, floreciendo apenas dos veces por siglo y que, según los poetas, que bromistas, estallan como una salva de aplausos.  Aquí hay, altos como árboles, vegetaciones extrañas, erizadas, parecidas a serpientes y unas palmeras seculares.   C'est ici le vieux pays des Maures. On retrouve leurs antiques demeures, leurs arcades, leur architecture orientale. Voici encore des constructions gothiques et italiennes le long des rues rapides comme des sentiers de montagne, et sablées de gros cailloux tranchants. Voici presque un champ d'aloës fleuris. Les plantes monstrueuses poussent vers le ciel leur gerbe colossale épanouie à peine deux fois par siècle et qui, selon les poètes, ces farceurs, éclosent en des coups de tonnerre. Voici, hautes comme des arbres, des végétations étranges, hérissées, pareilles à des serpents, et des palmiers séculaires.  
Entré en el recinto del amplio castillo, semejante a un caos de rocas desprendidas.    Et j'entre dans l'enceinte du vaste château, semblable à un chaos de rocs éboulés.  
De repente, bajo mis pies, se abría una estrecha escalera que se dirigía bajo tierra. Descendí y penetré de súbito en una especie de cisterna, en un lugar sombrío y abovedado, conteniendo un agua clara y fría, abajo, al fondo, en un hueco del suelo.     Tout à coup, sous mes pieds, s'ouvre un étroit escalier qui s'enfonce sous terre ; j'y descends et je pénètre bientôt dans une espèce de citerne, dans un lieu sombre et voûté, avec de l'eau claire et glacée, là-bas, au fond, dans un creux du sol.  
Alguien se dirigía hacia mí en medio de las tinieblas de este pozo. Reconocí a la mujer que vi en el pueblo por la mañana; después algo blanco pasó junto a su cara; me pareció que era un pañuelo. En efecto, ella lloraba en soledad.     Mais quelqu'un se dresse, recule devant moi, et, dans les demi-ténèbres de ce puits, je reconnais la grande femme aperçue la veille et le matin. Puis quelque chose de blanc semble passer sur sa face, et j'entends comme un sanglot. Elle pleurait, là, toute seule.  
De repente me habló, avergonzada de haber sido sorprendida.     Et soudain elle me parla, honteuse d'avoir été surprise.  
"Si, señor, lloro...no suelo hacerlo con frecuencia. Quizás este agujero lo ha provocado"    "Oui, Monsieur, je pleure... cela ne m'arrive pas souvent ; c'est peut-être ce trou qui me fait cela."  
Emocionado, traté de consolarla con vagas palabras, con alguna banalidad.     Fort ému, je la voulus consoler, avec des mots vagues, des banalités quelconques.  
"No se moleste- dijo ella- No puede hacer nada por mí. Soy como un perro perdido"    "N'essayez pas, dit-elle ; il n'y a plus rien à faire pour moi : je suis comme un chien perdu."  
Y allí me contó su historia, bruscamente, como si brotase un eco de su desgracia.    Et elle me conta son histoire, brusquement, comme pour jeter à quelqu'un l'écho de son malheur.  
"Yo fui una mujer feliz, señor, y tengo muy lejos de aquí un hogar, pero no quiero regresar tanto es el dolor de mi corazón. Tengo un hijo. Está en las Indias. Si lo viese no lo reconocería. Apenas le ví en toda mi vida. Casi no recuerdo su figura desde que tenía seis años de edad.    "J'ai été heureuse, Monsieur, et j'ai, très loin d'ici, une maison ; mais je n'y veux plus retourner, tant cela me déchire le coeur. Et j'ai un fils ; il est aux Indes. Si je le voyais, je ne le reconnaîtrais pas. Je l'ai à peine vu, dans toute ma vie ; à peine assez pour me souvenir de sa figure, pas vingt fois depuis son âge de six ans.  
"A los seis años me lo arrebataron; lo internaron en un pensionado. Venía dos veces al año; y cada vez yo me asombraba de los cambios en su persona, de encontrarlo más grande sin haberlo visto crecer. Se me robó su infancia y todas las alegrías de ver crecer a ese pequeño ser salido de mí.    "A six ans, on me le prit ; on le mit en pension. Il ne fut plus à moi. Il venait deux fois l'an ; et, chaque fois, je m'étonnais des changements de sa personne, de le retrouver plus grand sans l'avoir vu grandir. On m'a volé son enfance et toutes ces joies de voir croître ces petits êtres sortis de nous.  
"A cada una de sus visitas, su cuerpo, su mirada, sus movimientos, su voz, su risa, no eran las mismas, no eran las mismas. Un años se dejó crecer la barba; yo quedé estupefacta y triste. Apenas ya me atrevía a abrazarlo. ¿Era este mi hijo, mi pequeñín rubio de antaño, mi querido, querido niño que yo había mecido sobre mis rodillas, ese gran muchacho moreno que me llamaba gravemente "madre" y que parecía amarme por obligación?    "A chacune de ses visites, son corps, son regard, ses mouvements, sa voix, son rire n'étaient plus les mêmes, n'étaient plus les miens. Une année il eut de la barbe, je fus stupéfaite et triste. J'osais à peine l'embrasser. Était-ce mon fils, mon petit blondin frisé d'autrefois, mon cher, cher enfant que j'avais bercé sur mes genoux, ce grand garçon brun qui m'appelait gravement "ma mère" et qui ne semblait m'aimer que par devoir ?  
"Mi marido murió; después le tocó a mis padres; más tarde perdí a mis dos hermanas. Cuando la muerte entra en una familia, se diría que se despacha realizando la mayor tarea posible para no tener que regresar pronto. 

 

"Mon mari mourut ; puis ce fut le tour de mes parents ; puis je perdis mes deux soeurs. Quand la mort entre dans une famille, on dirait qu'elle se dépêche de faire le plus de besogne possible, pour n'avoir pas à y revenir de longtemps.  
"Quedé sola. Mi hijo estudiaba Derecho en París. Yo esperaba vivir y morir cerca de él. Así que partí para permanecer a su lado, pero él tenía hábitos de un joven y yo era una molestia. Regresé a mi casa.    "Je restai seule. Mon grand fils faisait son droit à Paris. J'espérais vivre et mourir près de lui : je partis pour demeurer ensemble. Mais il avait des habitudes de jeune homme : je le gênais. Je revins chez moi.  
"Después se casó. Me creí salvada pero mi nuera acabó odiándome y me volví a encontrar sola otra vez. "Como los suegros de mi hijo vivían en las Indias y como su esposa hacía de él lo que quería, decidieron partir a vivir con ellos. Ellos lo tienen; lo tienen para ellos. Me lo han robado. Me escribía cada dos meses. Vino a verme, hace ahora ocho años. Tenía la figura arrugada y los cabellos blancos. ¿Era posible? ¿Este hombre viejo, mi hijo? ¿Mi pequeñín de entonces? Sin duda no lo volvería a ver.    "Puis il se maria. Je me crus sauvée. Ma belle-fille me prit en haine. Je me retrouvai seule encore une fois. Or, comme les beaux-parents de mon fils habitaient les Indes, et comme sa femme fait de lui ce qu'elle veut, ils l'ont tous décidé à s'en aller là-bas, chez eux. Ils l'ont, ils l'ont pour eux : ils me l'ont encore volé. Il m'écrit tous les deux mois ; il est venu me voir il y a maintenant huit ans ; il avait la figure ridée et des cheveux tout blancs. Était-ce possible ? ce vieil homme, mon fils ? Mon petit enfant d'autrefois ? Sans doute je ne le reverrai plus.  
"Así pues yo viajo todo el año. Voy de derecha a izquierda como usted ve, sin nadie que me acompañe.    "Et je voyage toute l'année. Je vais à droite, à gauche, comme vous voyez, sans personne avec moi.  
"Soy como un perro perdido. Adiós, señor. No quedéis cerca de mí. Me da apuro haberos contado todo esto".    "Je suis comme un chien perdu. Adieu, Monsieur, ne restez pas près de moi, ça me fait mal de vous avoir dit tout cela."  
Y como yo descendía la colina para regresar, observé a la vieja mujer de pie sobre una muralla en ruinas, mirando el golfo, el gran mar a lo lejos, las montañas sombrías y el largo valle. El viento agitaba como una bandera el bajo de su falda y el pequeño chal extranjero que llevaba sobre sus flacas espaldas.     Et comme je redescendais la colline, m'étant retourné, j'aperçus la vieille femme debout sur une muraille croulante, regardant le golfe, la grande mer au loin, les montagnes sombres et la longue vallée. Et le vent agitait comme un drapeau le bas de sa robe et le petit châle étrange qu'elle portait sur ses maigres épaules.  
28 de mayo de 1882   26 mai 1882 
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