"Cada cual con su quimera - Chacun sa chimère" LE SPLEEN DE PARIS
|
|
Biografía de Charles Baudelaire en Wikipedia |
|
[ Descargar archivo mp3 ] 4:26
| ||
CADA CUAL CON SU QUIMERA
| CHACUN SA CHIMÈRE | |
Bajo un amplio cielo gris, en una vasta llanura polvorienta, sin sendas, ni césped, sin un cardo, sin una ortiga, tropecé con muchos hombres que caminaban encorvados. | Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse, sans chemin, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés. | |
Llevaba cada cual, a cuestas, una enorme quimera, tan pesada como un saco de harina o de carbón, o la mochila de un soldado de infantería romana. | Chacun d'eux portait sur son dos une énorme chimère, aussi lourde qu'un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d'un fantassin romain. | |
Pero el monstruoso animal no era un peso inerte; envolvía y oprimía, por el contrario, al hombre, con sus músculos elásticos y poderosos; prendíase con sus dos vastas garras al pecho de su montura, y su cabeza fabulosa dominaba la frente del hombre, como uno de aquellos cascos horribles con que los guerreros antiguos pretendían aumentar el terror de sus enemigos. | Mais la monstrueuse bête n'était pas un poids inerte ; au contraire, elle enveloppait et opprimait l'homme de ses muscles élastiques et puissants ; elle s'agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture ; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l'homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l'ennemi. | |
Interrogué a uno de aquellos hombres preguntándole adónde iban de aquel modo. Me contestó que ni él ni los demás lo sabían; pero que, sin duda, iban a alguna parte, ya que les impulsaba una necesidad invencible de andar. | Je questionnai l'un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu'il n'en savait rien, ni lui, ni les autres ; mais qu'évidemment ils allaient quelque part, puisqu'ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher. | |
Observación curiosa: ninguno de aquellos viajeros parecía irritado contra el furioso animal, colgado de su cuello y pegado a su espalda; hubiérase dicho que lo consideraban como parte de sí mismos. Tantos rostros fatigados y serios, ninguna desesperación mostraban; bajo la capa esplenética del cielo, hundidos los pies en el polvo de un suelo tan desolado como el cielo mismo, caminaban con la faz resignada de los condenados a esperar siempre. | étaient poussés par un invincible besoin de marcher. Chose curieuse à noter : aucun de ces voyageurs n'avait l'air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos ; on eût dit qu'il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d'aucun désespoir ; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d'un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours. | |
Y el cortejo pasó junto a mí, y se hundió en la atmósfera del horizonte, por el lugar donde la superficie redondeada del planeta se esquiva a la curiosidad del mirar humano. | Et le cortège passa à côté de moi et s'enfonça dans l'atmosphère de l'horizon, à l'endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain. | |
Me obstiné unos instantes en querer penetrar el misterio; mas pronto la irresistible indiferencia se dejó caer sobre mí, y me quedé más profundamente agobiado que los otros con sus abrumadoras quimeras. | Et pendant quelques instants je m'obstinai à vouloir comprendre ce mystère ; mais bientôt l'irrésistible indifférence s'abattit sur moi, et j'en fus plus lourdement accablé qu'ils ne l'étaient eux-mêmes par leurs écrasantes chimères. |